Comparaison avec d'autres systèmes de vote pour le budget participatif
Sur cette page, nous comparons la méthode des parts égales avec d'autres systèmes de vote qui ont été, soit utilisés par dans certaines villes, soit proposés par des universitaires ou partisans d'une réforme électorale.
Comparaison avec le système de vote standard
Le système de vote utilisé par presque toutes les villes sélectionne tous les projets les plus populaires, à condition que le budget le permette. Il s'agit d'une méthode "utilitariste", qui garantit un résultat qui maximise (approximativement) la satisfaction totale des électeurs. Dans la littérature académique, cette méthode est connue sous le nom de "greedy utilitarian" (méthode gloutonne utilitariste). Elle est "gloutonne" car elle procède étape par étape, et à chaque étape sélectionne les projets les plus populaires sans tenir compte de l'impact de cette décision sur les étapes futures.
Avantages de la méthode standard, par rapport à la méthode des parts égales :
- Elle est plus simple et plus facile à comprendre.
- Elle conduit à une satisfaction moyenne des électeurs plus élevée, car elle sélectionne les projets les plus populaires (mais la satisfaction est répartie moins équitablement).
- Elle tend à sélectionner un petit nombre de projets (qui ont tous un coût élevé), ce qui rend l'administration plus facile.
Inconvénients de la méthode standard, par rapport à la méthode des parts égales :
- Elle ne peut pas prendre en compte automatiquement les divisions géographiques des villes en quartiers.
- Certains électeurs ont beaucoup plus d'influence sur le résultat que d'autres, ce qui peut être considéré comme injuste.
- Les projets les moins chers ont très peu de chances d'être sélectionnés.
- Les citoyens en charge des projets sont incités au gaspillage car la probabilité qu'un projet soit sélectionné est presque indépendante de son coût.
- Les citoyens en charge des projets sont incités à "regrouper" plusieurs projets en un seul grand projet, ce qui conduit à des résultats globalement moins bons.
Comparaison avec le Jugement Majoritaire utilisé à Paris
Paris utilisait le système de vote standard jusqu'en 2019, permettant à chaque électeur de voter pour 4 à 5 projets. En 2021, la ville est passé à un système connu sous le nom de jugement majoritaire. Avec ce système de vote, chaque électeur peut évaluer chaque projet (il n'y a pas de limite quant au nombre de projets évalués). À Paris, il existe quatre notes disponibles :
- Coup de cœur / J'adore
- J'aime bien, c'est intéressant
- Pourquoi pas ?
- Je ne suis pas convaincu.
Ensuite, pour chaque projet, la note médiane est calculée. Elle représente la note telle que la moitié des électeurs a donné une note égale ou supérieure, et l'autre moitié a donné une note égale ou inférieure. La ville sélectionne ensuite les 2 projets ayant la note médiane la plus élevée. (Dans les grands quartiers, 3 projets sont sélectionnés.) Les meilleurs projets ont généralement tous une note médiane de
J'aime bien, c'est intéressant. Cependant, la mairie n'a jamais précisé comment sont sélectionnés les projets gagant lorsque plus que 2 ont la même note médiane.Un avantage du jugement majoritaire est qu'il permet aux électeurs d'exprimer une opinion très précise sur chaque projet, y compris une opinion négative.
Un inconvénient majeur est qu'il peut sélectionner des projets qui ne bénéficient pas d'un large soutien, comme nous l'expliquons ci-dessous.
La différence entre les projets populaires et les projets de haute qualité
Le système de vote standard utilisé par la plupart des villes, ainsi que la méthode des parts égales, ont pour objectif de sélectionner des projets populaires : de nombreuses personnes ont voté pour ces projets, et nous pouvons donc supposer que de nombreux résidents de la ville seraient heureux de voir le projet mis en œuvre. Ainsi, ces systèmes de vote permettent à la ville de découvrir quels projets ont le plus large soutien dans la population.
La philosophie sous-jacente au jugement majoritaire (utilisé à Paris) est très différente : les projets de "haute qualité" sont sélectionnés, dans la mesure où, pour chaque projet, une large part des électeurs qui l'ont évalué conviennent que c'est un bon projet. Cela est vrai même si de nombreuses personnes ne se soucient pas du projet et n'expriment pas d'opinion à son sujet. Par example, cela peut conduire à la sélection de projets qui n'intéressent que les personnes vivant dans la zone immédiate du projet, comme nous l'illustrons dans l'exemple ci-dessous.
Considérons l'exemple suivant, avec deux projets. Pour simplifier, supposons que nous ne prévoyons de sélectionner qu'un seul projet gagnant.
- Le projet 1 a été évalué par 2220 électeurs. 1000 de ces électeurs (45%) lui ont donné la note la plus élevée , et 550 autres électeurs (25%) lui ont donné la deuxième note la plus élevée . Par conséquent, la note médiane du projet 1 est la deuxième note la plus élevée .
- Le projet 2 a été évalué par 671 électeurs, beaucoup moins que les 2220 électeurs qui ont évalué le Projet 1. Cela peut être le cas si le projet 2 est d'un intérêt très local, et que les personnes qui ne vivent pas dans un certain quartier n'ont pas donné de note au projet 2. 400 de ces 671 électeurs (60%) ont donné la note la plus élevée au projet 2 . Comme c'est plus de la moitié des électeurs, la note médiane du projet 2 est la note la plus élevée .
La situation est représentée dans le graphique suivant.
Le jugement majoritaire sélectionne ainsi le projet 2, car il a une note médiane plus élevée.
Cependant, 1000 électeurs ont donné la note la plus élevée
au projet 1, tandis que le projet 2 n'a obtenu la note la plus élevée que de 400 électeurs. Ainsi, le projet 2 est moins populaire. Selon les préférences de la ville, le projet 2 peut ête considéré comme une mauvaise utilisation de l'argent publique car beaucoup moins de résidents seront satisfaits.Dans les villes utilisant la méthode des parts égales (ou même la méthode de vote standard), le projet 1 serait sélectionné plutôt que le projet 2.
Comparaison avec le vote quadratique
Le vote quadratique vise à réduire les possibilités de manipulation stratégique liées à l'intensité des préférences et ainsi à éviter une tyrannie de la majorité. Avec la méthode des parts égales, ces deux problèmes sont résolus par sa conception qui donne à chaque électeur une part égale du budget. Ainsi, prétendre avoir des préférences fortes pour certains projets n'influencera que la propre part du budget d'un électeur et une minorité d'électeurs aura toujours une part du budget qui ne peut pas être prise par la majorité.
En principe, un système de vote quadratique pourrait être combiné avec la méthode des parts égales. Cependant, nous pensons que cela ne vaut pas la peine de le faire étant donné la complexité supplémentaire pour les électeurs à comprendre et à utiliser le système.