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Garanties mathématiques d'équité

Résumé: La littérature académique a montré que la méthode des parts égales garantit à tous les groupes d'électeurs une représentation appropriée dans le résultat. Elle garantit également que tous projets recevant suffisant de soutien sera gagnant.

La méthode des parts égales a été proposée et développée par des mathématiciens et des informaticiens qui ont prouvé des théorèmes mathématiques garantissant l'équité des électeurs (selon un certain sens précis). Sur cette page, nous présentons certains de ces résultats, à la fois de manière intuitive et plus technique.

Pour plus d'informations, veuillez également consulter les sources suivantes :

  • Le livre "Multi-Winner Voting with Approval Preferences" (2023) de Martin Lackner et Piotr Skowron, publié en Open Access par Springer (PDF gratuit disponible). Ce livre se concentre sur les "élections avec plusieurs gagnants", c'est-à-dire lorsque tous les projets ont le même coût.
  • L'article "Proportional Participatory Budgeting with Additive Utilities" de Dominik Peters, Grzegorz Pierczyński et Piotr Skowron. Disponible sur arXiv.

Un projet est nécessairement gagnant s'il obtient un nombre de votes uniques proportionnel à son coût

La première garantie mathématique concerne les projets pris individuellement. Tout projet obtenant suffisamment de votes uniques sera toujours gagnant avec la méthode des parts égales.

Par example, considérons un projet dont le coût représente 5 % du budget disponible. Si au moins 5 % des électeurs sélectionne ce projet, et seulement ce projet, alors ce projet sera toujours gagnant avec la méthode des parts égales.

De manière formelle, cette propriété est formulée comme suit.

Théorème. Soit PP un projet et couˆt(P)\text{coût}(P) son coût. Supposons que BB est le budget total et nn le nombre total d'électeurs. Si au moins ncouˆt(P)/Bn \cdot \text{coût}(P)/B électeurs sélectionnent PP et aucun autre projet, alors PP sera parmi les projets gagnants avec la méthode des parts égales.

Preuve

Chacun des électeurs qui n'ont sélectionné que PP se voit attribuer une part de budget d'au moins B/nB/n au début du calcul de la méthode des parts égales. (Il pourrait être supérieur à B/nB/n car nous complétons la méthode.)

Par conséquent, le montant total du budget attribué aux électeurs qui votent uniquement pour PP est d'au moins

ncouˆt(P)Bnombre d’eˊlecteursBnpart du budget=couˆt(P).\underbrace{n \cdot \frac{\text{coût}(P)}{B}}_{\text{nombre d'électeurs}} \cdot \underbrace{\frac{B}{n}}_{\text{part du budget}} = \text{coût}(P).

Par définition, la méthode des parts égales ne se termine que lorsque plus aucun projet ne peut être financé par ses partisans. Cela signifie que PP doit être parmi les projets gagnants, car les électeurs qui votent uniquement pour PP conservent tout leur argent jusqu'à ce que PP soit sélectionné, et donc PP peut toujours être financé.

La méthode de vote standard pour le budget participatif (qui sélectionne simplement les projets les plus populaires jusqu'à épuisement du budget) n'offre pas de garantie similaire. Même un projet très peu cher (par exemple, coûtant 1 % du budget) peut avoir besoin d'un grand nombre de partisans (par exemple, plus de 30%) pour être gagnant.

Cette garantie n'est assurée que sous l'hypothèse que les partisans du projet ne sélectionnent pas d'autres projets. En effet, sans cette hypothèse la méthode des parts égales pourrait satisfaire ces électeurs en sélectionnant d'autres projets qu'ils ont sélectionnés.

Les groupes d'électeurs ayant des votes similaires seront représentés dans le résultat

Avec la méthode des parts égales, tout groupe d'électeur ayant sélectionné des projets similaires sera représenté dans le résultat final dans une mesure proportionnelle à la taille du groupe. Par exemple, un groupe de 20 % des électeurs peut s'attendre à influencer 20 % des dépenses du budget. De tels groupes d'électeurs peuvent être les parents d'enfants dans une école particulière, les résidents d'un quartier particulier ou les personnes se déplaçant à vélo par exemple. Les propriétés présentées ci-dessous garantissent que chacun de ces groupes soit représenté dans le résultat final (à condition de constituer une part suffisamment large de la population pour justifier le coût des projets qu'ils soutiennent ensemble).

Groupes d'électeurs avec des votes identiques

Considérons un scénario de budget participatif utilisant le vote par approbation. Supposons que tt des nn électeurs aient soumis un bulletin identique, c'est-à-dire que les tt électeurs ont tous sélectionné le même ensemble de projets. Plus concrètement, disons que ces tt électeurs ont sélectionné les projets P1P_1, P2P_2 et P3P_3. Intuitivement, puisque ce groupe représente une fraction t/nt/n des électeurs, les membres du groupe devraient être représentés dans le résultat final par une fraction de t/nt/n du budget.

Supposons pour le moment que

couˆt(P1)+couˆt(P2)+couˆt(P3)tnB,\text{coût}(P_1) + \text{coût}(P_2) + \text{coût}(P_3) \leqslant \frac{t}{n} \cdot B,

BB est le budget global. En d'autres termes, le groupe d'électeurs est de taille suffisante afin de "contrôler" une part du budget permettant de financer tous les projets sélectionnés conjointement. Dans ce cas, on peut prouver que la méthode des parts égales sélectionnera les trois projets.

Formellement, cette propriété peut être décrite comme suit :

Théorème. Soit {P1,P2,,Pk}\{P_1, P_2, \ldots, P_k\} un ensemble de kk projets, et supposons que tt des nn électeurs ont sélectionné tous ces projets (et seulement ces projets). Supposons que le coût total de ces projets est au plus t/nBt/n \cdot B. Alors, les kk projets seront gagnants avec la méthode des parts égales.

Détails lorque le coût des projets dépasse la limite

On peut également prouver une garantie similaire si tous les membres du groupe d'électeurs ont sélectionné un ensemble de projet dont le coût total est supérieur à t/nBt/n \cdot B. Supposons que tt électeurs aient sélectionné uniquement les projets P1P_1, P2P_2, P3P_3, et P4P_4, et que

couˆt(P1)+couˆt(P2)+couˆt(P3)+couˆt(P4)>tnB.\text{coût}(P_1) + \text{coût}(P_2) + \text{coût}(P_3) + \text{coût}(P_4) > \frac{t}{n} \cdot B.

Alors, la méthode des parts égales sélectionnera certains de ces projets qui, ensemble, coûtent "approximativement" t/nBt/n \cdot B.

Théorème. Soit T={P1,P2,,Pk}T = \{P_1, P_2, \ldots, P_k\} un ensemble de kk projets, et supposons que tt des nn électeurs ont sélectionné tous ces projets (et seulement ces projets). Alors, la méthode des parts égales sélectionnera un sous-ensemble TTT' \subseteq T de projets tels que pour chaque projet PTP^* \in T qui n'est pas gagnant, on a PTcouˆt(P)+couˆt(P)>t/nB\sum_{P \in T'} \text{coût}(P) + \text{coût}(P^*) > t/n \cdot B.

Groupes d'électeurs avec des votes similaires mais pas identiques

Pour les garanties mathématiques décrites ci-dessus, nous avons supposé que le groupe d'électeurs a sélectionné exactement le même ensemble de projets. En pratique, cependant, même les groupes d'électeurs très similaires ne voteront pas toujours de la même manière. Il est donc intéressant de voir si la méthode des parts égales sélectionnera des projets soutenus par un groupe d'électeurs très semblables, mais pas identiques. La réponse est oui : si un groupe d'électeurs vote de façon suffisamment similaire, alors le groupe sera représenté dans le résultat de la méthode des parts égales.

Détails sur la garantie mathématique

Considérons un scénario de budget participatif utilisant le vote par approbation. De manière général, si T={P1,P2,,Pk}T = \{P_1, P_2, \ldots, P_k\} est un ensemble de kk projets, nous écrivons couˆt(T)=couˆt(P1)+couˆt(P2)++couˆt(Pk)\text{coût}(T) = \text{coût}(P_1) + \text{coût}(P_2) + \ldots + \text{coût}(P_k) pour le coût total des projets dans TT. Supposons qu'un groupe de tt électeurs ont tous sélectionné tous les projets de l'ensemble TT, mais que certains électeurs ont aussi sélectionné d'autres projets, en dehors de TT. Supposons que couˆt(T)t/nB\text{coût}(T)\leqslant t/n \cdot B (de sorte que le groupe d'électeurs peut "financer" tous les projets de TT en n'utilisant que les parts de budget des membres du groupe). Alors, la méthode des parts égales garantit qu'au moins l'un des tt électeurs sera suffisamment représenté dans le résultat final WW: cela signifie qu'il existe un membre ii du groupe (qui a sélectionné l'ensemble de projets AiA_i (y compris tous les projets de TT, donc TAiT \subseteq A_i)) tel que:

couˆt(AiW)couˆt(T)couˆt(Pj)pour certains PjT.\text{coût}(A_i \cap W) \geqslant \text{coût}(T) - \text{coût}(P_j) \qquad \text{pour certains $P_j \in T$}.

Dans cette expression, AiWA_i \cap W désigne l'ensemble des projets gagnants qui ont été sélectionnés par l'électeur ii.

Cette propriété est appelée "extended justified representation up to one project (EJR-1)" dans la littérature académique. Plus de détails sont disponibles dans l'article de Peters et al. (2021) (en anglais).

Autres critères de vote de base

Il existe d'autres guaranties mathématiques qui ne traitent pas d'équité, mais qui valent tout de même la peine d'être mentionnés. La méthode des parts égales garantie les propriétés suivantes :

  • Calculabilité en temps polynomial : Le résultat de la méthode des parts égales peut être calculé en temps polynomial par un algorithme simple. Les projets gagnants peuvent donc être déterminés rapidement, généralement en moins d'une minute même pour les élections dans les grandes villes.
  • Indépendance des clones : L'action de cloner un projet consiste à introduire une ou plusieurs copies identiques du projet dans le processus. Nous supposons que chaque électeur sélectionne tous les clones ou aucun d'entre eux. La méthode des parts égales garantie que : si un projet perdant est cloné, aucun des clones ne gagne ; et si un projet gagnant est cloné, alors au moins l'un des clones gagne.
  • Monotonie : Si un projet gagne et qu'un électeur modifie son vote en ajoutant le projet gagnant à son bulletin, alors ce projet continue de gagner.
  • Monotonie vis-à-vis d'une réduction des coûts : Si un projet gagne et que son coût est réduit, alors il reste gagnant. Si un projet perd et que son prix est augmenté, alors il reste perdant.
  • Indépendance des bulletins vides : Si nous ajoutons un électeur à l'élection qui ne sélectionne aucun projet, le résultat ne change pas (en supposant que le résultat est complété avec la manière habituelle).
  • Extension de la méthode de D'Hondt : La méthode des parts égales (en complétant le résultat de manière standard) est une généralisation de la méthode de D'Hondt qui est utilisée dans de nombreux pays pour élire des membres du parlement en utilisant un système de liste proportionnelle. La méthode de D'Hondt est un cas particulier de la méthode des parts égales où les "projets" sont les candidats au parlement, le coût de chaque "projet" est égal à 1, le budget équivaut au nombre de sièges disponibles, et chaque électeur sélectionne tous les membres d'un seul parti.

Plusieurs autres critères ne sont toutefois pas satisfaits, notamment :

  • Pareto-optimalité
  • Monotonie vis-à-vis du budget (un projet gagnant devrait rester gagnant si le budget disponible est augmenté)
  • Prévention des manipulations stratégiques (un électeur ne devrait pas être en mesure d'améliorer le résultat en changeant son vote)